A ma mère,
A mes enfants,
A ma compagne,
Je vous AIME
et
Je vous dois cettevictoire
Préambule
Cela faisait un certain temps que ce projet d’écriture metrottait dans la tête, mais il me fallait laisser du temps au temps. Il mefallait du recul, être sûr de moi et tout à fait certain d’avoir pris le dessussur ce mal qui me rongeait depuis des dizaines d’années. Il y a quelques mois,je le sentais encore présent, prêt à m’envahir à la moindre occasion. Tapi, auplus profond de mon être, il savait se faire oublier en attendant son heure.Avant, il habitait chaque minute de mon existence, du réveil au coucher. Maintenant,je n’ai aucun problème pour lui prendre le dessus. Je suis plus fort que lui,je l’ai vaincu et, sincèrement, je pense que c’est pour toujours.
Ce mal, ou cette maladie, porte un nom. Ce n’est ni lecancer, ni le sida, c’est l’alcoolisme. On dit que de ce mal, on ne guéritjamais. Aujourd’hui, je ne dis plus que je suis alcoolique, mais que j’étaisalcoolique. N’en déplaise à tous ceux qui pensent que c’est à vie, mais je peuxle dire haut et fort, je suis guéri !!!
On peut dire que je suis très chanceux, sûrement plusque de nombreuses de personnes souffrant de ce mal. Ma première chance a étéd’avoir des enfants qui m’aiment et, surtout, qui n’ont jamais cessé dem’aimer, même quand je les ai fait souffrir. L’alcoolique souffre, maisbeaucoup moins que ceux qui l’entourent et qui le voient s’enfoncer de jour enjour. La honte, la colère, le sentiment d’abandon, je les ai souvent semés surleur route. Aujourd’hui, mes enfants sont là. Ils m’aiment toujours autant,même sans doute un peu plus, et je sais qu’ils sont heureux d’avoir un papa quiva bien. Je ne leur dit pas assez souvent que je les aime, mais, pourtant, c’estce qu’il y a de plus beau et de plus intense en moi. Mon amour paternel m’apermis de survivre. Sans lui, je ne serai sans doute plus de ce monde…
Ma deuxième chance a été de faire la rencontre d’unefemme qui a su me remettre sur pied. Oh, ce ne fut pas simple et je lui aiaussi fait connaître quelques souffrances, de très dures souffrances, même.Femme de caractère, elle n’a jamais rien lâché. Elle m’avait accueilli dans soncœur et sous son toit, elle avait des droits qu’elle a su faire respecter. Ellem’a mis face à ma réalité, sans ambages, ni compromissions. Si je voulaisgarder son amour, il fallait que je change. Ce fut long, elle a été patiente,aimante et j’ai changé…
Elle a pris le relais de ma mère, elle qui m’a supportéau plus profond de mon abîme. Excuse-moi, maman, de t’avoir fait subir toutcela. Avoir des fils, ce n’est pas une sinécure et tu es bien placée pour lesavoir… Je t’aime maman. Nous sommes une famille où ce verbe n’est que rarementconjugué et tu mériterais que l’on te le dise plus souvent, et à tous lestemps, toi qui es si férue de vocabulaire et de grammaire.
Ah ! Si seulement on pouvait prescrire l’amour parordonnance ! Il s’agit bien de cela et, pour moi, l’amour, celui de mesenfants, celui de ma mère et celui de ma compagne, a réussi à soigner mon mal.Etre aimé, c’est retrouver une certaine dignité, une certaine estime de soi.Comme tout malade, l’alcoolique a besoin de soutien, d’encouragements, maisaussi, c’est certain, de bons coups de pied au derrière. S’ils sont donnésamoureusement, ils n’en sont que plus efficaces. L’alcoolique doit savoir qu’onl’aime et que la souffrance que l’on ressent à ses côtés n’en est que plusforte. Le silence, la soumission ou l’acceptation fataliste ne lui sont d’aucuneaide. Il faut le remuer au plus profond de son être, le mettre face à ses responsabilités,lui démontrer ce qu’il est entrain de détruire et ce qu’il risque de perdre.L’alcoolique dépendant ne lutte plus, il faut lutter à sa place et il n’y a quel’amour, le véritable amour, qui puisse rendre ce combat efficace.
Cet écrit a, pour moi, différents buts. Il se veut,tout d’abord, être un témoignage d’amour à ceux que j’aime et qui me le rendentsûrement plus que je ne le mérite. Ensuite, c’est une façon de m’excuser auprèsde tous ceux qui ont eu à me supporter et à souffrir à mes côtés. Dans cerécit, je lâcherai aussi un peu de mon fiel à l’égard des personnes qui eurentun malin plaisir à m’enfoncer encore plus bas que je ne l’étais. Enfin, jeserai heureux si ce message pouvait donner un peu d’espoir à tous ceux qui sontenferrés dans ce bourbier. J’aimerai, après avoir partagé mon expérience,créer un lieu où chacun, malades et proches, pourraient retrouver un peu deforce pour lutter. L’espoir peut donner un nouvel élan.
A s’entendre dire tout le temps que l’on n’en guéritjamais de l’alcoolisme, pourquoi mettre toute sa volonté pour essayer d’ensortir ? Pourquoi mettre toute son énergie à vouloir aider un malade qui,on le sait, ne guérira jamais ? Il faut arrêter ce discours qui met lesmalades et leur entourage face à cette soi-disant fatalité et, au contraire,leur asséner, sans arrêt, que l’on peut en guérir. C’est dur, c’est certain,mais ça l’est encore plus quand on est persuadé que le mal est incurable. Il nes’agit pas de critiquer les systèmes d’aide existants qui tiennent ce discours,mais plutôt de proposer une nouvelle alternative, une autre vision de lamaladie.
Aujourd’hui, je ne suis pas un abstinent et je saisapprécier un bon vin. Je vais aussi à l’encontre de tous les discours quiprônent cette abstinence complète. Je déguste, je prends du plaisir, sans avoirenvie de plonger dans l’ivresse. Je pense être mieux guéri que tous ceux quivivent quotidiennement avec cet interdit. Je ne compte plus les jours qui meséparent de mon dernier écart et on ne me regarde plus d’un œil apeuré quandj’ouvre une bouteille de vin. On a confiance en moi et ça me rend encore plusfort. Après ce que j’ai vécu, le vin n’en est que meilleur. Il a un petit goûtde victoire que seul un ancien alcoolique profond peut connaître. J’ai gagné,au moins, à connaître cette sensation et je souhaite à tous ceux qui meliront, alcooliques ou non, de ressentir l’ivresse de la victoire face à leurspropres maux.